Elia KAZAN avait marqué la mémoire de l’auteur de ces lignes, lors d’une séance de ciné-club au lycée, avec « La fièvre dans le sang ». Dans le cadre du festival Lumière 2016, voir « Le fleuve sauvage » s’imposait donc assez naturellement. Le film vu au CNP Terreaux, constitue un moment de relative quiétude et une vision volontariste optimiste. Très brièvement, Montgomery CLIFT, campe Chuck GLOVER, un agent de la TVA (Tennessee Valley Authority) qui essaie d’expulser, à l’amiable, une vieille dame (Ella GARTH) de son île, son royaume, son empire, avec sa famille, et ses sujets, pour la construction d’un barrage sur fleuve Tenessee, sujet à des crûes meurtrières. Il épouse la petite-fille (jouée par Lee REMICK) de la vieille dame, qui meurt, et est symboliquement enterrée sur ce qu’il reste de l’île après la construction du barrage, et qui en constituait le point le plus haut.
C’est une Amérique très profonde, celle du Sud, qui est dépeinte, de manière humaine et absolument non manichéenne, car les personnages archétypiques de leur classe sociale sont en réalité assez proches les uns des autres, tant au plan strictement socio-matériel qu’au plan empathique et affectif. Ils ont un contact direct, se parlent, sans intermédiaire. Ainsi, un des personnages, Bailey, un Blanc, aussi riche de 1800 ha de coton qu’il est grossier et vindicatif, rosse-t-il Montgomery CLIFT, pour récupérer 4 dollars, et l’instant d’après lui fait porter une bouteille de vin blanc pour cette même somme : « monte-lui la meilleure bouteille de vin blanc que tu as », lance-t-il au patron de l’hôtel. Cette bouteille est le signe de sa reddition future qu’il sait inéluctable malgré son atitude plus bravache que déterminée. C’est aussi une Amérique en mouvement, une Amérique volontariste et en pleine évolution qui est montrée. Ainsi, Chuck GLOVER propose-t-il un salaire journalier très supérieur à celui pour lequel les ouvriers travaillent dans les plantations de coton, bousculant l’équilibre économique local basé sur la discrimination, parachevant dans le Sud même l’oeuvre des usines du Nord qui attiraient ainsi la main d’oeuvre du Sud depuis quelques décennies. Le point le plus haut de l’île, où sont enterrés les membres de la famille GARTH, seul reste de l’île, après la mise en eau du barrage, peut-il symboliser la mémoire ensevelie mais respectée d’un passé âpre, dur, injuste, et douloureux.
Ce film est aussi l’occasion de revoir deux acteurs disparus trop tôt, Lee REMICK et Montgomery CLIFT.